Par Fanny Cheung

Les feuilles confidentes

Mon agenda Moleskine 2018 à la couverture bleur

Ce n’est pas vraiment un journal intime. Pas tout à fait un organiseur non plus. Il mélange joyeusement des écrits bordéliques et conjugue la vie à tous les temps.

À l’instar de la boussole de Jack Sparrow, mon agenda me guide vers ce que je souhaite le plus au monde. Même si parfois, il me fait prendre de longs détours.


Je l’ai reçu ! Un semainier Moleskine d’un bleu profond et onctueux. Je l’aime déjà.

J’adore cette couverture rigide et ces pages crèmes, encore vierges de mes bafouilles quotidiennes. D’un côté, la semaine pour organiser ses journées. De l’autre, des lignes imperturbables pour écrire ce que bon me semble. Sur la couverture, un Charlie Brown familier criant “Aaugh” me rappelle que cela fait plusieurs années que mon choix thématique d’agenda s’est arrêté sur Snoopy. Sans raison particulière. Car en réalité, j’ai lu davantage de Calvin et Hobbes que de Peanuts.

Je dois vous dire d’abord que l’agenda sert à noter ses rendez-vous. Personne ne sait bien pourquoi, mais dès qu’il s’agit d’événements de la plus haute importance, comme un détartrage annuel, on a tendance à l’oublier. Même lorsque c’est écrit. Ou alors, on se trompe carrément de date. Les rendez-vous manqués sont l’apanage des étourdis. Soyez indulgents, ils ne font pas exprès.

On parcoure les pages et on pense à marquer les dates d’anniversaire. Celles dont on se souvient par coeur. Elles dessinent des points d’ancrage qui rythment un futur encore incertain mais déjà balisé. Elles rassurent, telles des gardiennes attentionnées. C’est l’espace dédié pour écrire un mot unique sur cet être aimé. Griffonner un dessin. Coller un autocollant Snoopy. Plus qu’un rappel, c’est une célébration de l’amour qui nous lie aux autres.

De temps à autre, l’agenda nous nargue. S’entassent des croquis, des citations, des tickets de concert, des cartes de visites de restaurants. Des échantillons choisis d’une vie singulière et unique. Un profil Instagram moins léché, plus authentique. Secret. Mais il manque quelque chose.

Assis à la terrasse d’un café, on s’amuse alors à ajouter des petites annotations. On se surprend à penser à ce voyage qu’on n’a jamais tenté. À ce temps qu’on n’a pas pris pour soi. On note.

“Stage de permaculture en Suède ?”

Les pensées s’enchainent.

Petit à petit, on gribouille, sans s’en rendre compte, la liste de nos envies.


Un jour, sans crier gare, cet agenda se métamorphose en journal intime.

On réfléchit aux mots. On dégueule les maux.

C’est le rituel des jours vulnérables. On y inscrit le meilleur comme le pire. La honte, la jubilation et la vanité se dissipent à mesure que s’esquissent des réflexions plus ou moins profondes. À la fin, il ne reste plus que des lettres posées en vrac. On se sent léger d’avoir couché nos cogitations lancinantes. Un concentré de nous à l’instant t.

Parfois, on revient en arrière pour le lire et on repasse sa vie sous le prisme du présent. Témoin du passé et dépositaire de nos espoirs, le sens caché de ces écrits ne se révèle qu’à son auteur. Quelque part, ce cahier est un objet magique qui retrace, à chaque lecture, différemment, nos vies effrénées.


Je crois bien qu’écrire mes bêtises et mes réflexions journalières sont une respiration nécessaire. Certains font de la boxe. D’autres composent des chansons ou refont le monde dans des cafés.

Moi, j’écris dans mon agenda.