Guirlandes urbaines
Je lève les yeux et là, décembre me tombe dessus.
En marchant dans la ville, on ressent l’effervescence latente. L’obscurité froide des trottoirs brumeux contraste avec la lumière chaleureuse des magasins surchargés. À mi-chemin entre l’envie de communion et le besoin de me ressourcer, l’appétence pour les réjouissances joue ses cartes contre la soif de repos.
Sur les boulevards, les décorations lumineuses au-dessus de ma tête se plaisent en prophètes surannés. Savamment soutenues par les vitrines abondantes, tout le paysage urbain se plait à crier :
Les fêtes de fin d’année ! Surtout ne les oubliez pas !
Pour les dramaturges, c’est un théâtre familial. Pour les délaissés, le poids intense de la solitude. Pour les cyniques, la consommation déguisée en fête. Pour les nostalgiques, une répétition perpétuelle de leur enfance.
Et pour toi, qu’est-ce ?
La pluie délicate au sol reflète la lueur des guirlandes urbaines. On marcherait presque sur des étoiles. Les odeurs de cannelle, de clémentines et de riz au lait flottent comme des nuages autour de nous. J’aime voir ce que la ville écrit. Les premières lignes d’un conte moderne au son des chants de Noël.
On s’abreuve de ce regard enfantin et on aimerait diluer un peu de cette féerie, pour apporter de la joie à ceux qui ne la voient plus.
On dirait bien à tous ceux qui comptent dans notre vie :
Je t’aime
Aimer et partager.
L’odeur des toasts qui grillent, le champagne qui scintille et les huîtres qui reposent sur leur plateau glacé. On se devine dans le décor faste d’une réception. On se réjouira alors des mondanités et de la chaleur de la foule. Entouré et vivant, l’envie folle de faire la fête nous submergera.
Ou alors, on se représente une tablée en famille, restreinte ou excessive. On se gavera de simplicité et d’attention. Avec pétulance, les souvenirs, tant de fois racontés, peindront cette petite communauté à laquelle nous avons toujours appartenu. On prendra une photo pour capturer ce moment, si précieux les jours de bureau effrénés.
Seul, on prendra simplement le temps de sourire. Sourire aux inconnus et se sourire à soi. Comme si l’on offrait une fleur.
Offrir ? Mais quoi ? Une lettre, un geste ou un cadeau. Peu importe, seule l’attention compte. On réalise qu’il n’est pas toujours facile d’être présent. Du fond de notre gorge nouée, les mots d’amour peinent à se fondre en sons. Celui-là écrira un message d’une anecdote vécue ensemble. Celle-là offrira un présent inestimable. L’autre préparera un repas ordinaire et pourtant si rassurant.
Parfois, on donnera à contre-temps. Parfois, on aura l’air attendu. Parfois, on sera déçu. En un instant, on s’apercevra que ces élans, portés par les traditions, existent pour se souvenir qu’il y a toujours un moment pour penser à ceux qu’on aime.
Maintenant.
Ça et là, mille façons d’aimer les siens. Mille façons que l’on choisit de cueillir à la saison des agrumes et de la neige.
À ceux qui sont partis,
à ceux qui ont toujours été là,
à ceux qui sont arrivés dans ma vie.