Par Fanny Cheung

Reposer le pinceau

Publié le 21 Mai 2023

Vue du dessus d'une table où sont posées plusieurs illustrations à
l'aquarelle, des godets d'aquarelle, des coupelles en porcelaire et une
trousse. Les illustrations représentent des maisons au milieu du flore très
verte faisant penser au printemps.

Depuis quelques jours, j’ai commencé à peindre la même illustration plusieurs fois. Je suis à la recherche du point d’équilibre entre le dessin encore brouillon et l’illustration aboutie.

Souvent, j’ai parlé d’une de mes mauvaises habitudes de dessins. Ajouter des détails jusqu’à en rendre une composition illisible ou trop chargée. Je pourrais y voir une métaphore de ma vie. Vouloir trop la remplir sans me laisser d’espace pour respirer. Pourtant, je le sais : les pleins et les vides forment l’essence même d’un dessin. Si je ne laisse aucun vide, la dynamique ne peut pas exister.

Je me suis donc attelée à chercher ce moment impalpable où ma main laisse enfin le pinceau se reposer. Pour m’engager entièrement sur cet exercice, je me suis d’abord délestée de plusieurs difficultés :

L’intention de départ, c’est que j’apprenne à sentir instinctivement quand je dois m’arrêter. En aquarelle, c’est difficile car le rendu change avec les différences d’humidité du papier. À l’instar des LEDs d’un écran, l’eau fait briller certaines couleurs et les rend éclatantes. En séchant, elle laisse derrière elle, une teinte plus effacée, plus douce.

Reprendre la même illustration d’affilée donne un sentiment de proximité avec le sujet. La répétition me permet d’être plus à l’aise avec la gestion de l’espace sur la feuille. Ici, je trace une grosse ligne de couleur et je la diffuse légèrement avec une teinte plus claire. Dans ma tête, je me répète inlassablement : “laisse sécher”.

En fonction de la matière (coton ou cellulose), du poids du papier et de sa charge en eau, les couleurs ne réagissent pas pareil au passage d’un ou plusieurs coups de pinceau. Un mouvement entraîne toujours les pigments de couleur dans sa danse. Ces derniers ont la particularité de se déplacer des zones les plus humides aux zones les moins humides. C’est comme ça qu’apparaissent les auréoles. C’est comme ça également que les couleurs finissent par se mélanger sur le support et donner un marron insipide. 

J’ai envie d’intégrer la lenteur du séchage dans ma façon de peindre, pas seulement de la comprendre. Je veux sentir sous mon pinceau l’instant où je dois rattraper une goutte ou tirer davantage mon trait. Apprendre à connaître les mouvements imperceptibles des fibres de la feuille qui se tend. Percevoir que les pigments vont révéler une forme que je n’ai pas encore pensée.

Parfois, je prends un temps de pause pour faire un pas de côté. Ça me sort de l’effet hypnotique de la peinture. Je coupe court aux gestes automatiques, surtout aux gestes de trop. Parfois, c’est trop tôt. Parfois, trop tard.

Mon dernier essai me plait beaucoup. Je trouve les mélanges harmonieux et simples. On devine la profondeur et les reliefs de manière subtile. Je suis à quelques touches de poser mon pinceau. Les quelques touches qui feront mon style, mais que je cherche encore.

Au moment où je vous écris (car j’écris souvent la veille ou l’avant-veille), je n’ai pas avancé sur cette illustration. Vous saurez ce que ça donne dans la prochaine publication de saison :)

Sur ce, je vous souhaite une belle journée ! En sortant de chez vous ou en ouvrant la fenêtre, vous pouvez prendre le temps de lever la tête et regarder le ciel. Est-ce du bleu que vous voyez ? Ou plutôt un rose teinté de gris ? Et là, un nuage qui rit ou un chien roulé en boule ? En tout cas, sachez que je me pose ces questions quasiment tous les jours 🌤️

🍂 Cette publication est parrainée par mes camarades de la communauté Patreon et Liberapay
🌻 Date de publication anticipée sur ma page Patreon : 22 Fév. 2023