Par Fanny Cheung

Valse violette

Publié le 9 Août 2023

Vue du dessus d'une table de travail recouverte par des serviettes vert sapin
sur lesquelles sont posées du matériel de peinture et des feuilles avec des
nuanciers à partir de la couleur violette dessus. On peut voir un vieux
chiffon, des godets d'aquarelle et des coupelles en porcelaine.

Pendant mon court séjour à Dol-de-Bretagne, j’ai aperçu beaucoup de fleurs dans la palette des violets. À mon habitude, ces observations m’ont donné l’envie de peindre.

Aujourd’hui, j’ai envie de vous montrer comment je me remets doucement à l’aquarelle lorsque je fais une pause un peu longue. Ça va faire trois semaines que je n’ai pas vraiment peint. Il y a quelque chose d’un peu magique dans le rituel de reprise. Ça me permet de retrouver des habitudes rapidement sans pour autant avoir l’angoisse de la page blanche.

Lorsque je reprends l’aquarelle, j’ai envie de retrouver le geste rapidement. Apprécier le mélange des pigments et de l’eau, tracer des formes sur le papier, voir la couleur sécher. Je suis une personne impatiente. Ça veut dire que si je veux retrouver ces sensations vites après des semaines d’arrêt, il me faut un sujet ou un exercice facile à mettre en place.

Avant de me relancer, je prends le temps de me poser et de comprendre ce qui me manque le plus et surtout, l’inspiration qui m’a donné envie de peindre à nouveau. Pour cette fois-ci, c’était la palette de violets que j’ai observé pendant mes balades bretonnes. J’avais simplement envie de reproduire ces couleurs.

Ça semble évident dit comme ça, mais parfois, on s’embarque dans des projets ou des idées bien plus compliquées lorsqu’on crée alors qu’on voulait juste un moment à soi. Ça m’arrive régulièrement d’intellectualiser l’activité artistique et de vouloir insuffler une réflexion ou une composition. Je pense que c’est nécessaire à certains moments. Par contre, lorsque je me suis arrêtée pendant longtemps, c’est exactement ce qui va me bloquer. Je vais passer du temps à réfléchir et crayonner sans prendre le pinceau une seule fois.

Quand j’ai bien cerné ma motivation, je choisis un exercice ou un sujet pour la mettre en mouvement. Pas de tergiversation, pour reproduire une palette de violet, le nuancier apparait comme l’exercice idéal. Je débute souvent mes créations avec un nuancier. Par exemple, pour la série des Eskjas à l’automne, j’avais réalisé plusieurs nuanciers de verts et d’ocre avant de me lancer.

Le violet se mélange à partir d’un rouge et d’un bleu. On obtient des variations avec des rouges et des bleus différents. Si on veut, on peut les atténuer avec une pointe de jaune.

Ici, je suis partie d’un rouge de chez Winsor & Newton appelé Permanent Rose. J’ai fait des mélanges avec trois bleus différents, toujours de chez Winsor & Newton : Intense Blue, un bleu phtalo très puissant, Cobalt Blue, un bleu mer plutôt transparent et un Prussian Blue, un bleu profond. La transparence de la couleur et le grain du pigment joue énormément sur les mélanges. Plus je teste, plus j’apprivoise mes couleurs.

J’ai des coupelles en porcelaine qui facilitent les mélanges. Les palettes en plastique ont tendance à perler, c’est-à-dire à rassembler l’eau sous forme de perles ; ça m’empêche de bien observer mes mélanges. J’utilise un pinceau effilé d’environ 2 millimètres de diamètre et je mélange directement dans la coupelle par petites touches. Ça me permet d’avoir plusieurs nuances dans une seule et même coupelle. C’est assez peu précis et beaucoup d’aquarellistes préfèrent avoir une couleur par coupelle ou section de palette. Personnellement, j’aime bien les accidents de couleurs que me permet cette façon de faire. Vous êtes quelle team vous ? Yolo ou ordonnée ? 

J’annote les nuanciers avec les couleurs que j’utilise. Parfois, j’ajoute également une mention des quantités sous forme de fractions. On peut voir ici que pour un même rouge, avec trois bleus différents, j’obtiens des palettes sensiblement différentes en terme de couleurs mais également de texture. Certaines ne semblent pas se mélanger mais plutôt se superposer, d’autres sont très transparentes. Évidemment, la charge en eau et en pigment dans mon pinceau joue leur rôle aussi.

Je ne cherche pas à faire un nuancier exact avec des dégradés, j’ai simplement envie de trouver les violets qui me satisferont visuellement. J’ai fait des essais avec un autre rouge. Puis, j’ai également tenté avec une pointe de jaune.

Ce travail prend un peu de temps. J’observe la quantité de pigments et d’eau pour chaque petit carré. J’expérimente les contrastes entre deux teintes côte à côte. Puis, je refais des mélanges que j’ai bien aimé. Je passe généralement une demi-heure à une heure là-dessus.

Après, je fais quelques peintures à la volée pour tester mes couleurs. C’est très satisfaisant. Vu que mon nuancier m’a appris les subtilités des couleurs que utilisées, quelque soient les formes, la peinture fonctionne. On n’est pas sur le summum de l’esthétique, on est plutôt sur une ambiance, un ressenti. Chacune des tentatives ci-dessous me prend moins de 5 minutes. C’est la spontanéité du trait et la connaissance de la couleur qui me permet d’avoir ce rendu au final.

J’imagine que je vais finir par faire une petite composition sur des variations de violets. Je ne me suis pas encore décidée. En tout cas, c’était une session qui m’a bien remise en selle. J’ai trouvé le moment apaisant et j’ai envie de reprendre un rythme plus régulier avec l’aquarelle, même si des grosses semaines de travail côté développement web m’attendent.

Je vous envoie plein de douceur pour le reste de la semaine 💜J’espère que cette publication un peu technique sur la couleur vous a plu. J’ai beaucoup aimé l’écrire et vous la partager.

🍂 Cette publication est parrainée par mes camarades de la communauté Patreon et Liberapay
🌻 Date de publication anticipée sur ma page Patreon : 10 Mai 2023