Par Fanny Cheung

Perdre pied

Publié le 5 Mars 2023

En ce moment, je traverse une zone de turbulences intenses côté sommeil. Le plus difficile pendant ces épisodes reste de ne pas paniquer. Je m’imagine prisonnière de sables mouvants. Je bouge. Je m’agite. L’argile se brise et libère son eau. Le sable et le sel glissent au fond. Je les suis.

Depuis quelques jours, je perds contrôle et je m’affole.

J’essaie de me souvenir que j’ai déjà vécu des instants similaires et que je m’en suis sortie. Le souci, c’est que dans des moments pareils, je n’ai aucune mémoire. J’oublie des rendez-vous et des impératifs. Mes rêves laissent des traces dans ma réalité. Il y a, dans ce brouillard épais, un sentiment d’infini qui me fait peur.


Quand je travaillais en CDI, je déployais mille et une stratégies pour garder une forme d’efficacité malgré la fatigue. En dehors de mes absences régulières, on m’a souvent fait confiance et soutenu mon travail. Ce qui, en un sens, relevait déjà de l’exploit dans l’ambiance productiviste que peut être le monde du travail. Je savais être fonctionnelle.

Maintenant, j’apprends à ne plus courir après cette norme. Je décharge les journées. D’abord, les rendez-vous non-urgents (un déjeuner, récupérer un colis, etc.). Puis, le travail (mon travail n’est jamais urgent, je ne sauve personne et j’ai la chance d’être assez entourée pour pouvoir vivre avec un revenu moindre) et enfin, les moments avec les proches. Il me faut bien trois à quatre journées en solitaire pour me sortir la tête de l’eau.

Je demande à mon compagnon de me laisser dans ma bulle. En échange de quoi, je tiens la promesse de parler et sortir de mon isolement si je ne vais vraiment pas bien.


Le risque, c’est de me replier. Je fais le choix de placer des moments d’interaction sociale agréables, des personnes avec qui je ne ressens pas de pression. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce sont parfois des moments de travail.

Au final, lorsque celleux qui m’entourent comprennent réellement l’impact du manque de sommeil dans ma vie, je n’ai plus besoin de me justifier d’exister avec mes difficultés. On me donne la possibilité de prendre soin de moi. J’ai moins peur de perdre pied, iels sont là. Ces petits instants me redonnent un rythme et la sensation d’appartenir à un groupe.

C’est inestimable pour remonter à la surface.